Marie-Luce, ou la danse en fauteuil roulant

Du diagnostic à la danse en fauteuil, Marie-Luce a un parcours qui fait écho à bon nombre d'entre nous. Peu à peu, elle a adapté sa façon de vivre et de travailler en fonction de ses symptômes et une fois le cap franchi du fauteuil roulant, il l'a réconciliée avec le plaisir de la danse et des voyages.

Marie-Luce est enseignante et a 2 filles, quand elle apprend qu'elle souffre d'une sclérose en plaques primaire progressive : « la maladie a été diagnostiquée en 2006 quand j'avais 40 ans, mais les premiers signes sont survenus 2 ou 3 ans avant. Lors d'un cours de danse, je n'arrivais plus à tenir l'équilibre ni à faire un tour, j'avais la sensation d'une voûte plantaire cartonnée. Je me sentais extrêmement fatiguée, tout en continuant à travailler, à faire des formations, à vivre ma vie de famille avec mes deux filles, âgées de 9 et 5 ans. Le médecin m'a mise sous antidépresseur en diagnostiquant une dépression... »

Le temps passe, de nouveaux symptômes surgissent, des troubles urinaires et une aggravation des troubles de l'équilibre : « Je ne pouvais plus descendre un escalier sans me tenir. Mon généraliste m'a enfin envoyée voir un neurologue qui m'a fait faire le bilan complet. Le diagnostic de SEP primaire est tombé. »

Humour et communication, deux atouts considérables

Marie-Luce a heureusement une forme progressive à évolution lente. Grâce à l'Éducation Nationale, elle a pu bénéficier d'un aménagement de ses heures de cours, la fatigue inhérente à la maladie ne lui permettant plus d’être à temps plein. « J’ai pensé à choisir l’enseignement à distance du CNED mais quand j'enseigne l'histoire-géographie devant ma classe, j'oublie que je suis malade. Le médecin du travail m'a convaincue de continuer tant que je pouvais le faire et cela me permet de garder du lien social. Mais la maladie est là, c'est un métier énergivore à un point incroyable, même si j'ai la chance d'avoir des petites classes de 24 ou 25 élèves. »

Marie-Luce s’est aussi orientée vers d’autres activités moins fatigantes et écrit des articles d’histoire pour les jeunes, dans une revue de culture générale destinée aux 9/13 ans, l’Élephant Junior. Comme quoi la faiblesse des jambes n’empêche pas d’aller de l’avant !

Marie-Luce a mis du temps à pouvoir parler de sa sclérose en plaques : « Lorsque j'étais au travail, elle était moins visible et je n'avais pas de canne. Avec les lycéens, je n'ai pas employé le terme de SEP mais je leur ai juste dit que j'avais des problèmes pour me déplacer, que je les solliciterai souvent et qu’ils seraient mes jambes pour ramasser les copies ou les distribuer. Je suis malade depuis longtemps et je n'ai pas eu cette attitude dès le début. Comme tout malade, il y a forcément une phase de déni. Elle a duré une bonne dizaine d'années pour moi, mais j'ai fini par leur dire. »

En plus de la communication, Marie-Luce a utilisé l'humour pour faire passer des messages. « La difficulté est de gérer la fatigue devant eux et en 15 ans, j'ai vu augmenter mes problèmes d'équilibre et de marche. J'ai une canne quand je me déplace dans les rangs et un jour où je me penchais vers un élève somnolent qui ne travaillait pas, je suis tombée sur lui ! J'ai rebondi avec de l'humour en lui disant : tu vois, si tu avais travaillé je ne serais pas tombée. Éclat de rire de la classe... »

Le passage au fauteuil roulant, un cap délicat

Avec le temps, les faiblesses musculaires et les troubles de l'équilibre se sont accentués, poussant Marie-Luce à s'équiper d'un fauteuil roulant, il y a 3 ans. « Mon périmètre de marche s'est beaucoup réduit : avec la canne, je fais 600 à 700 mètres mais après, je dois m'asseoir. J'ai passé le cap à Angers, dans un centre de réadaptation durant un stage de 6 semaines.
Les ergothérapeutes m'ont encouragée à m'équiper d'un fauteuil car je ne faisais plus d'exposition ni de voyage alors que j'adorais cela. Désormais, je ne voyage plus qu'en fauteuil roulant ! »

Le fauteuil roulant est un cap délicat à passer, nécessitant souvent du temps et de la réflexion. Il offre l’avantage d’accroître la mobilité et de retrouver des activités plaisantes qui n'étaient plus possibles. « Mais même avec de belles couleurs, l’objet est difficile à accepter ! Pour le moment, c'est un fauteuil roulant manuel. Avec un fauteuil motorisé, je me sentais à 150% handicapée, et moralement je n'ai pas pu. Mais comme je n'ai pas de force dans les bras, je suis dépendante de la personne qui me pousse. J'habite dans le centre-ville d'Angers, où il y a énormément de montées, ce qui est impossible à faire seule. J'ai donc gagné en mobilité mais pas vraiment en autonomie. »

Peu à peu, Marie-Luce progresse dans sa réflexion et dans l'acceptation d'un fauteuil motorisé : « Depuis un an, j'ai essayé différentes solutions et j'ai opté pour une trottinette à 3 roues, avec une selle, baptisée Happy scoot. C'est parfait pour me déplacer autour de chez moi sur des petites distances mais ses batteries au lithium ne permettent pas de prendre l’avion et je ne sais pas si la SNCF m’autoriserait à voyager avec. Mais pour la première fois, les gens me regardent avec amusement et envie dans la rue ! »

La danse en fauteuil !

Un autre déclic a eu lieu dans le centre de rééducation angevin où MarieLuce est allée : « Là-bas la professeure de sport adapté m’a parlé d’une chorégraphe en danse contemporaine qui avait travaillé avec des personnes handicapées. Je me suis inscrite et je fais maintenant partie d’un quatuor avec deux danseuses valides et deux invalides. Depuis janvier, à raison d'une session par mois, je danse avec mon fauteuil roulant ! »

Le coronavirus a évidemment interrompu les répétitions mais Marie-Luce a eu le temps de suivre deux séances : « La première fois a été géniale, la deuxième séance a été épuisante, j'ai dû m'arrêter plusieurs fois. Le fauteuil n’est plus mon ennemi mais il n’est pas encore mon ami : le chemin est long. J'appréhendais beaucoup, de peur de me comparer à avant et finir par avoir le moral dans les chaussettes. Il y a 15 ans, j'aurais été incapable de faire cela ! »

Malgré les moments difficiles de doutes et de baisse de moral, Marie-Luce en puisant dans ses ressources s'est dépassée et s'est prouvée qu'elle était encore capable de faire de très belles choses, qu'elle pensait au départ impossible... Une très belle leçon de vie !

Publié le : 13/10/2020

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